Biographie

Jacques André Lavier (1922-1987)

Jacques André Lavier est un des spécialistes français de la Médecine Traditionnelle Chinoise, laissant une empreinte profonde et durable chez tous ceux qui l'ont approché.

Jacques nait le 21 février 1922 à Montbéliard dans le Doubs.

 

Le livre d'un jésuite français, le père Léon WIEGER, sur l'histoire des caractères chinois, que le curé de Montbéliard lui apporte dans son enfance, va profondément marquer son destin.

 

L’intérêt de Jacques est immédiatement captivé et, à l'âge de 12 ans, il apprend les idéogrammes chinois tout seul, avec une facilité déconcertante. La Chine et son écriture sont entrées dans sa vie et ne le quitteront jamais plus.

 

À l'armistice, il fait retraite dans un monastère taoïste en Chine où il parfait son chinois, étudie le taoïsme et ses projections dans l'acupuncture, la thérapeutique et la diététique chinoises et il complète ses notions de paléographie chinoise.

 

En 1946, il veut poursuivre ses études de médecine et finalement sur les conseils de son père prothésiste dentaire, il entreprend à partir de 1947 des études à l'école de chirurgie dentaire et de stomatologie de Paris pour devenir chirurgien-dentiste. Il obtient son diplôme en 1953.

 

Pendant la longue période de six ans que durent ses études, Jacques André Lavier a l'occasion d'exprimer ses aptitudes artistiques parallèlement à ses capacités intellectuelles déjà fort développées. Il écrit beaucoup, présageant ainsi ses nombreux écrits de chercheur. Mais l'écriture et la médecine chinoise ne l'ont pas quitté pour autant. Après l’installation de son cabinet dentaire à Paris, il continu à apprendre seul les caractères chinois, avec l'idée de pouvoir traduire lui-même les ouvrages d'acupuncture et ainsi de remonter à la source des écrits sans intermédiaire.

 

En 1954, il est nommé chef de clinique en physiothérapie à l'école de chirurgie dentaire et de stomatologie de Paris où il enseignera jusqu'en 1959 conjointement à son activité de dentiste libéral.

 

Ses premiers articles, datant de 1955, portent sur le courant galvanique en dentisterie, des travaux qu'il poursuivra avec l'électronarcose en collaboration avec le Dr René Brunet et la mise au point et la commercialisation en 1959 d'un appareil nommé "Algoltonique". Parallèlement à ses activités dentaires, il approfondit ses connaissances en chinois et en acupuncture.

 

Il bénéficie des conseils éclairés et de l'aide du père François Wang, un prêtre catholique de l'Oratoire à Paris, d’origine chinoise, rencontré en 1955. Ce grand lettré chinois est très versé dans la connaissance des idéogrammes, dans le confucianisme et le bouddhisme qu'il enseigne à l'Institut Catholique de Paris. Il devient un proche ami de Jacques, et le restera jusqu'à sa mort.

 

En 1956, Jacques André Lavier écrit au Docteur WU Wei-Ping, alors Professeur d’acupuncture à Taipei, Président de la Société d’Acupuncture de Chine et Président de la Société d’Acupuncture de Taipei. Grâce à une correspondance assidue avec le Docteur WU et aux ouvrages et articles médicaux chinois que ce dernier lui envoie, Jacques André Lavier développe ses recherches. 

Docteur WU Wei-Ping, professeur d’acupuncture à Taipei, Président de la Société d’Acupuncture de Chine et Président de la Société d’Acupuncture de Taipei.

Dès 1957, il est membre de la "Medical Society of Acupuncturation and Cauterization of China". Il adresse régulièrement à son mentor des mémoires sur l’acupuncture et est bientôt en mesure de lui proposer une traduction française de son livre, publiée à Paris en 1959. À cette époque, les travaux du Docteur WU lui font découvrir l’importance de la Tradition dans la médecine chinoise. À partir de 1958 et dans les années qui suivent, ses articles s’en font déjà l’écho.

 

Après la parution de la traduction par Jacques André Lavier du livre d’acupuncture du professeur Wu Wei-Ping en France (1959), celui-ci correspond avec Jacques André Lavier d'égal à égal, et le considère comme un chercheur en médecine chinoise à part entière.

 

Par son intermédiaire, Wu Wei-Ping se rend en Europe en avril - mai 1959 pour assister officiellement à Paris au Congrès International d'Acupuncture, présidé par le docteur Roger de la Fuÿe.

 

Les années 1955-1959 sont donc une période extrêmement féconde, pendant laquelle Jacques André Lavier acquiert avec une rapidité stupéfiante de solides connaissances en acupuncture et en chinois grâce à ses traductions et à ses relations suivies et privilégiées avec le professeur Wu.

 

Jacques André Lavier est également en contact avec d'autres confrères asiatiques, dont il apprécie les travaux, en particulier le docteur Chuang Yu-Min dont il traduit l'ouvrage "L'acupuncture symptomatique" dans une publication de 1958 restée inédite.

 

Cela ne doit pas dissimuler un fait fondamental. Dès le début, l'étude de l'acupuncture, à travers les ouvrages chinois et les livres de Wu Wei-Ping, a fait découvrir à Jacques André Lavier la Tradition Chinoise. L'importance qu’il accorde à la Tradition est déjà perceptible dans un article de 1958 et se développera dans plusieurs publications du début des années 60.

 

En 1960, il est nommé par Wu Wei-Ping professeur en acupuncture et le Maître chinois l'accepte officiellement comme son élève, ce qui, selon la tradition, équivaut à une relation de père à fils.

 

Pendant cette période, il fréquentera aussi de nombreux maîtres en acupuncture dont Tcheng Meng-Tchen à Hong Kong qui lui enseignera notamment l'acupuncture pédiatrique et lui apprendra le T’ai Tchi Tchuan (que lui-même enseignera avant de céder cet enseignement à sa fille Marie-Christine).

 

L’appréhension de l’esprit traditionnel en médecine chinoise occupe le centre des recherches et de l’enseignement de Jacques André Lavier dès le début des années 1960. Son principal atout est sa maîtrise du langage médical chinois qui lui permet de puiser ses connaissances sans intermédiaire dans les sources écrites et les grands textes médicaux classiques. En dépit d’une forte réticence en raison de son statut de chirurgien-dentiste, il s’impose comme sinologue dans le domaine de la Médecine Chinoise Traditionnelle.

 

En 1961, Jacques André Lavier obtient le grade de médecin de l'Hôpital d'Acupuncture de Taipei. Il se consacre alors entièrement à la recherche et à l’enseignement de la Médecine Chinoise Traditionnelle qu’il diffuse largement en France et en Europe, toujours soutenu par le professeur Wu qui l'investit de cette Mission en Occident. 

La notoriété de Jacques André Lavier grandit rapidement grâce à la publication de ses livres et de ses articles et à la qualité de ses enseignements. La période 1961-1969 est marquée par la grande expansion que connaît son enseignement de l'acupuncture et de la médecine chinoise, tant en France qu'à l'étranger.

 

Les articles et les livres qu'il publie dans ces années 1961-1969 montrent à quel point Jacques André Lavier est un ardent défenseur de la Tradition en médecine chinoise. Il se démarque nettement des autres acupuncteurs français qui, à cette époque en France, n'ont pas un accès direct aux sources, ne sachant pas lire le chinois. Il tire ses connaissances de la traduction directe des livres médicaux et de l'étude des noms chinois des points d'acupuncture.

 

De cette époque, Jacques André Lavier gardera de bonnes relations avec Claude Grégory, directeur de publication de "l'Encyclopaedia Universalis"  pour laquelle il écrira deux articles en 1968.

 

Ses enseignements ne se limitent pas aux médecins et s'adaptent aux demandes des kinésithérapeutes. Entre 1962 et 1965 à Paris, il forme aux massages des points d'acupuncture des praticiens de l'école française d'ostéopathie de Paul Gény, l'un des précurseurs de l'ostéopathie en France. La publication du "Micro Massage Chinois" (1965) est le reflet de ce travail.

 

Au printemps de 1963, Jacques André Lavier donne à Londres un séminaire qui aura de grandes répercussions sur l'acupuncture anglo-saxonne, puisque plusieurs de ses élèves britanniques fonderont leurs propres écoles d’acupuncture traditionnelle.

Ses travaux deviennent accessibles au monde anglo-saxon grâce aux traductions anglaises du Docteur Philip CHANCELOR qui, en 1962 et en 1965, publie en anglais, respectivement la traduction française faite par Jacques de l'ouvrage de Wu Wei-Ping ainsi que le "Mémento d’acupuncture", ce qui lui ouvre les portes du monde anglo-saxon.

 

En juillet 1963, Il devient le président-fondateur du "Collège de Bioénergétique et de Médecine Chinoise" dont le professeur Wu est le Président d'honneur. D'emblée deux catégories de professions de santé, les médecins et les dentistes, vont être intéressés par ses cours. Un premier groupe de praticiens du Morbihan se constitue autour de lui.

 

En 1964, il est Docteur en acupuncture avant d'être nommé la même année Professeur à l'Hôpital d'Acupuncture de Taipei.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Jacques André Lavier a acquis ses hautes qualifications et compétences en médecine chinoise, reconnu par ses confrères chinois et sanctionné par des diplômes chinois, par ses traductions des ouvrages chinois, par ses capacités exceptionnelles de chercheur et par ses enseignements aux médecins et aux dentistes, enseignements qui ont nourri ses recherches.

 

En Belgique, entre 1965 et 1967, il forme un groupe important de médecins acupuncteurs.

 

En 1965, il fonde le "Collège International de Médecine Chinoise", un cadre propice dans lequel, pour la première fois, il peut enseigner le fruit de ses recherches et former des médecins, sans avoir à faire de longs voyages.

 

En octobre-décembre 1967, c'est avec le docteur Louis LECUSSAN qu'il fait un long séjour à Taipei au cours duquel il est reçu personnellement chez le professeur Wu Wei-Ping. C’est à cette époque aussi que Tchang Kaï-Chek remerciera Jacques André Lavier pour ses travaux en lui offrant une calligraphie personnelle.

 

Au début des années 1960, il commence la traduction du livre fondateur, le Nei Tching Su Wen. Entre 1964 et 1970, Jacques André Lavier remaniera sans cesse cette traduction, qui sera finalement publiée en 1990, après sa mort. Dans les milieux de la médecine chinoise en France, et malgré les nombreuses réticences à son endroit, dues à son statut de dentiste, Jacques André Lavier tient sa place comme sinologue médical et est considéré comme le tenant de la Tradition. À ce titre, son avis est sollicité à propos de la psychanalyse et de la sophrologie. Il est invité à s'exprimer sur ce sujet à Barcelone en 1970 lors du premier Congrès International de Sophrologie, dont il est le vice-président.

 

Il obtient son  Doctorat d’État en Chirurgie Dentaire en 1973 à Montpellier.

 

C'est entre 1972 et 1977, que sont édités les deux livres qui synthétisent pour le grand public la maturité et la quintessence de ses connaissances en matière de tradition médicale chinoise : "Médecine chinoise, médecine totale" (1973 chez Grasset), "Bioénergétique chinoise" (1976 éditions Maloine).

 

Ce dernier ouvrage est caractéristique de la démarche fondamentale qui anime toutes ses recherches depuis de nombreuses années déjà : retrouver les textes médicaux chinois des origines au moyen de l'étude des idéogrammes archaïques qui ont servi à les écrire. En d'autres termes, avoir envers les grands textes traditionnels de la médecine chinoise une démarche d'archéologue en pratiquant la paléographie.

L'ouvrage du père Léon WIEGER reste pour Jacques André Lavier un fidèle outil de travail dès le début de ses travaux, complété par d'autres dictionnaires et répertoires de paléographie chinoise beaucoup plus complets et élaborés.

 

À partir de 1977, en plus de la Société Médicale d’Acupuncture Chinoise créée pour son enseignement aux médecins, et de l’Institut créé pour les passionnés de paléographie, le GEROS (Groupe d’Etudes et de Recherches en Odonto-stomatologie), rassemble des chirurgiens-dentistes surtout intéressés par l'esprit de la Tradition Chinoise, et par ce que cette dernière peut apporter dans des domaines plus vastes que la médecine ou la dentisterie.

 

Libéré de la responsabilité médicale des soins aux malades, Jacques André Lavier peut avec les membres du GEROS appliquer l'esprit traditionnel qu'il connaît bien, à ses matières de prédilection, aussi diverses que le Taoïsme, l'archéologie, les mathématiques et l'astronomie. Celle-ci est une véritable passion et fait l'objet de recherches intenses pendant les 15 dernières années de sa vie.

 

Dans les années 1975-1987, après avoir vécu quelques années en Bretagne, il réalisera une très importante étude du site de Carnac, développant notamment ses connaissances et observations en astronomie.

Il traduit, entre autres, le "Yao Tienn" et va pouvoir rendre compte de sa recherche sur l'astronomie de la haute antiquité chinoise à travers ce texte si particulier du "Chou Tching".

 

Ces travaux aboutiront à l'élaboration de "L’Uranologie" (livre paru en 1985), la science du Ciel des anciens chinois telle qu'ils la percevaient, et à la conception de l'astrolabe médical.

 

Toutes ses recherches et ses enseignements, tous ses articles et ses livres, dans des domaines aussi variés que la médecine, la paléographie chinoise, l'astronomie, finissent par recevoir une reconnaissance méritée.

Le 5 février 1979, Jacques André Lavier est officiellement nommé Chevalier dans l'Ordre des Palmes Académiques au titre du Ministère des Universités en reconnaissance de "ses qualités de pédagogue et de chercheur tenace fidèle à une probité intellectuelle".

 

En 1980, À Namur, dans la partie francophone de la Belgique, est créée par un groupe de médecins une université privée des thérapeutiques innovantes, (UIHN), "l'Universitas Internationalis Hominorum  Novarum". Sur décision du conseil d'administration, Jacques André Lavier est officiellement désigné le 17 juillet 1981, comme professeur, directeur d'enseignement et doyen de "l'Institut d'Acupuncture Chinoise Traditionnelle" de L’ UIHN.

 

Ces cours, destinés à tous les médecins s'organisent en deux cycles, le premier préparant à une licence, l’autre formant les titulaires de la licence à la paléographie chinoise et à la traduction des textes médicaux chinois en vue de la rédaction et de la soutenance d'une thèse de doctorat. De nombreux élèves s'inscrivent à ces cours. Mais, à partir de mars 1983, il est contraint de cesser son enseignement dans cette université privée en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

Pendant les années 1980 à 1982, Jacques André Lavier assure au sein du département Langues Orientales de  l'Université Paul Valéry de Montpellier, un enseignement de paléographie chinoise, une matinée par semaine. Dans cette même université, il entreprendra un doctorat de troisième cycle de paléographie dont la thèse, non soutenue, deviendra son ouvrage "Uranologie Chinoise".

 

En 1981, il ouvre un cours d'enseignement d'astronomie, avec travaux pratiques d’observation du Ciel, ce qui lui permettra de transmettre à ses élèves toutes les connaissances indispensables à une meilleure compréhension de la Médecine Traditionnelle Chinoise.

 

Malade, il continue son enseignement et n'interrompt pas ses travaux : Jacques André Lavier incarne l'homme traditionnel accompli, illustrant les préceptes qu'il a enseigné toute sa vie.

 

Il meurt le 20 octobre 1987 à Lyon.

En juin 2014, l'Université de Médecine Traditionnelle Chinoise de Kunming dans le YUNNAN (Chine), à l'initiative du professeur Hor Ting, lors du deuxième Forum International de Médecine Chinoise en Occident, a voulu rendre hommage à Jacques André Lavier. Ce forum a été entièrement dédié à sa mémoire.

 

À cette occasion, une galerie exposant ses archives et ses objets personnels a été ouverte dans le Musée dépendant de l’Université de Médecine Chinoise Traditionnelle du Yunnan. Il y côtoie Georges Soulié de Morant, précurseur et promoteur de l'acupuncture en France.

 

De nombreux anciens élèves ont été conviés à venir exposer dans cette Université de Médecine Traditionnelle Chinoise ce que Jacques André Lavier leur avait transmis.

 

Le petit-fils de Wu Wei-Ping ainsi que Marie-Christine, la fille de Jacques André Lavier, étaient présents.

 

Peter Eckman, par vidéo-conférence, en direct de Los Angeles a rendu un vibrant hommage à Jacques André Lavier au nom des pays anglophones (États-Unis et Angleterre).

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